
Nathalie George, directrice artistique et auteure culinaire.
Il y a quelques années, Nathalie George nous a ouvert les portes de sa chambre de bonne sous les toits d’un immeuble du très chic 16ème arrondissement parisien, à deux pas du musée Yves Saint Laurent. C’était à l’occasion de la parution de son ouvrage La cuisine du 6è étage, du piano au réchaud. Depuis, ce recueil de souvenirs culinaires et de recettes est devenu culte, son édition de poche, augmentée de nouvelles recettes vient de paraître chez J’ai Lu. Depuis, Nathalie a quitté le 16ème, son sixième étage sans ascenseur et ses deux chambres de bonne non mitoyennes pour un studio à côté du Jardin des plantes. Un autre cadre dans lequel a elle su recréer l’atmosphère cossue qui lui ressemble. Chat, tapis anciens, bibliothèque qui court sur tous les murs, porte chapeaux de modiste, l’ambiance cabinet de curiosité de son appartement nous fait totalement oublier que nous sommes dans une « résidence sénior de la Ville de Paris » avec son linoléum vert dans les parties communes et son architecture fonctionnelle.
Nathalie me reçoit un midi d’une froide journée de janvier. « Vous déjeunerez avec moi« , m’avait-elle prévenue. Notre conversation se fait donc en finissant de préparer sa fameuse flammiche avec, en fond sonore, quelques notes de musique classique et en sirotant un très bon vin rouge, « parce que, j’espère que vous ne faites pas cette histoire de dry january ?! Moi je ne déjeune pas à l’eau minérale » dit-elle d’un regard plein de malice. J’ai donc fait, avec plaisir, un écart dans ma détox de janvier et je partage avec vous ce délicieux moment.



Nathalie, comment vivez-vous ce nouveau changement de cadre de vie ?
Le 5ème arrondissement est un arrondissement extrêmement sympathique parce que peuplé d’étudiants. Alors je ne les ai plus sur le palier ou à ma table comme à l’époque du 6è étage et des chambres de bonne mais je les croise dans le quartier et, pour moi, c’est très important d’être au contact de l’énergie qu’ils apportent. Les étudiants du 6ème étage me manquent ! Je vais aller à la rencontre de ceux du Vème arrondissement puisque depuis le mois dernier, j’anime une fois par mois un atelier culinaire, en partenariat avec la mairie, pour transmettre le bon sens en cuisine à des étudiants. L’idée est de leur apprendre à se nourrir de façon équilibrée même avec un tout petit budget. Pour cela, je vais leur montrer comment réaliser des recettes simples à partir d’ « aliments mères » : pommes de terre, lentilles, œufs, sardines, thon, etc…avec des déclinaisons de 4 à 5 recettes à chaque fois. C’est un projet qui m’enthousiasme énormément dans la mesure où il repose sur la transmission avec un apport de bien-être, de plaisir et de partage.
Contrairement au « 6ème étage », cet appartement est doté d’une kitchenette ça vous change la vie ?
Dans ce studio, le coin cuisine est dans la pièce principale. Par goût, j’aurais préféré un logement ancien avec une cuisine séparée, pour pouvoir fermer la porte en laissant du bazar, ne pas avoir les odeurs qui envahissent l’appartement. Mais j’ai la chance d’avoir obtenu un logement social, je ne vais pas faire la difficile. Cet appartement est le premier que l’on m’a proposé et je l’ai accepté sans discuter. Par une ironie du sort, il est situé dans un immeuble qui ressemble en bien des points à l’architecture du pensionnat de Mortefontaine dans lequel mes parents m’ont envoyée quand j’ai eu dix ans : le linoléum vert bordé de bandes de caoutchouc noir, les murs granité de béton jaune pâle dans les escaliers sont les mêmes.
Pour revenir au coin cuisine, il n’était pas aménagé. Il n’y avait que l’évier et un tout petit placard au-dessus pour ranger trois casseroles et en bas un mini-réfrigérateur. Encore moins fonctionnel que ce que j’avais dans ma chambre de bonne ! Heureusement, j’ai la chance d’avoir de bonnes fées dans mon entourage : mes anciens voisins du 6ème ont mis la main à la pâte. L’un d’eux a repeint les carreaux de la crédence qui étaient d’un jaune douteux, un autre, qui est ébéniste, a déniché des meubles de cuisine sur Le Bon Coin, les a retaillés et installés. Ma seule exigence a été de lui demander un plan de travail en bois parce que j’aime le bois et que je ne voulais pas de rupture entre le plan de travail et les étagères où il y a les livres, étant donné que tout est dans la même pièce. Pour la même raison, je voulais que les portes des placards soient sans poignées.
Sinon pour le reste, rien ou presque n’a changé : j’ai toujours le même four, la même petite table sur laquelle avant je posais toute la batterie de cuisine, le même pot avec les cuillères en bois.
Ce qui me change la vie : l’eau courante chaude à volonté, et j’ai plus de rangements, je peux de nouveau utiliser de la vaisselle que, par manque de place, j’avais stockée pendant des décennies à la cave, comme un service en faïence Christofle qui date du temps où je travaillais pour eux ou le service de table de Gigi ma grand-mère, qui ne m’a jamais quitté.
Quel est l’ustensile ou l’appareil électro-ménager dans lequel vous avez investi ?
Les deux plaques à induction qui m’ont été offertes par Laurent Mariotte. Je les ai souhaitées amovibles parce que ça me permet de les poser sur un tabouret et d’agrandir l’espace sur le plan de travail lorsque je prépare certaines recettes. Une astuce qui me vient de mes vingt ans au sixième étage où je passais mon temps à déplacer les objets. Vous ne pouvez pas vivre aussi longtemps dans un espace si petit, qui est un peu comme un bateau, et abandonner tous vos réflexes du jour au lendemain.



Cet espace vous permet de recevoir plus facilement ?
Dans cette résidence dite pour séniors, je dois être la seule à recevoir et à préparer de vrais repas. Je le dis sans jugement, mais je ne compte pas m’encrôuter. Au 6è, les portes étaient toujours ouvertes, on se connaissait tous, les échanges intergénérationnels rythmaient le quotidien, je cuisinais pour mes voisins. Ici ce n’est plus le cas. Je dois donc inventer de nouvelles façons d’interagir avec les autres, de pouvoir continuer à cuisiner pour les autres, qui est un moyen de soigner son âme.
Aujourd’hui nous déjeunons ensemble, habituellement le midi vous cuisinez beaucoup ?
Je suis restée étudiante dans ma manière de manger. Le midi, je peux me contenter de manger debout en tirant un bout de jambon de son emballage ou en faisant faisant des œufs au plat vite fait. Ou, à l’opposé, si je ne suis pas seule, je peux manger un plat de routier. Dans tous les cas, pour le dîner, je mange léger. J’ai conservé l’éducation culinaire du pensionnat et de ma grand-mère qui était née en 1891, ne l’oublions pas car cela a eu une influence importante sur ma façon de vivre. Un bouillon de légumes, un morceau de bon fromage, un dessert et c’est suffisant ; par ailleurs, ça aide à garder la ligne. Et puis, on ne va pas se voiler la face, cuisiner un plat mijoté juste pour soi, ça n’existe pas. En revanche, quand je reçois, je me mets aux fourneaux avec joie.
Vous préférez recevoir pour le déjeuner ou le dîner ?
Les deux ! Recevoir est naturel, c’est ne pas recevoir qui ne l’est pas. Moi je suis malheureuse si je ne reçois pas. Quand je reçois, je cuisine toujours simplement et je mélange les gens, en terme de générations et de professions, de milieu social parce que si vous réunissez que des personnes qui se ressemblent, c’est d’un ennui…
Quel est, selon vous, le signe d’un repas réussi ?
Un repas réussi c’est quand vos invités n’arrivent pas à se lever de table tellement ils s’y sentent bien, quand on traîne à table et que les plats sont vides ; il n’y a rien de plus merveilleux pour la maîtresse de maison. Mais j’ai le sentiment, depuis quelques temps, que les gens ne reçoivent plus. J’aimerais leur rappeler que c’est joyeux et satisfaisant de recevoir à la bonne franquette : si vous avez une bonne baguette, un magnifique plateau de fromage, une bonne bouteille de vin, allez-y ! ça suffit pour passer une très bonne soirée avec vos convives.



La flammiche aux poireaux de Nathalie George

Ingrédients
Pour la pâte brisée :
- 300g de beurre demi-sel
- 500g de farine
- 2 jaunes d’œufs + 1 pour la dorure
- 3 à 4 càs d’eau
Pour la garniture :
- 10 gros poireaux
- 125g de beurre
- 50g de saindoux
- Sel
- Poivre
Instructions
La veille :
- Laver puis tailler les poireaux en petits tronçons.
- Les mettre dans une cocotte avec le saindoux et le beurre. Saler et poivrer généreusement.
- Faire cuire 1h environ à feu doux.
- Laisser refroidir toute la nuit.
- Préparer la pâte à tarte : travailler le beurre coupé en morceaux et la farine pour obtenir un mélange sableux. Ajouter 2 jaunes d’œufs et l’eau progressivement. Pétrir jusqu’à obtention d’une boule homogène, ni trop collante, ni trop sèche.
- Partager la pâte en deux pâtons.
- Les emballer séparément dans du film alimentaire.
- Réserver au frais toute la nuit.
Le jour J :
- Préchauffer le four à 210°C.
- Étaler les deux pâtons.
- Garnir une tourtière ou un moule à fond amovible avec la première pâte en la laissant dépasser du bord de 4-5 cm.
- Répartir la garniture et recouvrir avec la seconde pâte.
- Rabattre les bords de la pâte sur le dessus. Dorer au jaune d’œuf avec un pinceau.
- Enfourner 30-40 minutes.
- Servir la tourte bien chaude.
Notes
Servir accompagnée d’une salade verte.

Quelles sont vos nouvelles adresses gourmandes ?
Quand j’arrive quelque part, je regarde si il y a un bistrot pour prendre le café le matin. J’ai investi celui qui est au bout de ma rue, La Traversée de Paris.
Naturenville pour les fruits et légumes.
La cave de Joël Robuchon, 3 rue Paul-Louis Courier Paris 7ème, parce qu’ils travaillent avec des vignerons qui font de bons vins à des prix corrects.
Interview et photos : Karine Couëdel
Merci pour cette belle interview et ces magnifiques photos. J’adore Nathalie George, elle est si inspirante.