Valérie Espinasse, micro-nutritionniste. Maman de Quentin 29 ans et Aude 26 ans.
Dr en pharmacie, Valérie Espinasse s’est très vite intéressée à la phytothérapie et à la nutrition. Consciente de l’intérêt de la santé globale, elle se spécialise en micro-nutrition par le prisme des intolérances alimentaires et du microbiote. Que trouve-t-on dans la cuisine familiale d’une micro-nutritionniste ? C’est à Paris, à deux pas des Champs-Elysées, dans l’appartement qui a vu grandir ses enfants, qu’elle me reçoit. En cuisine, son credo : faire preuve de bon sens. Elle nous dit tout dans cette interview.
Pouvez-vous définir votre cuisine en 3 mots…
Dans l’assiette : diversifiée – familiale – de saison
La pièce : imposée – parisienne – noire
Comment avez-vous pensé l’aménagement et la déco de votre cuisine ?
Sa configuration m’a été « imposée » par celle de l’appartement. C’est une petite cuisine typique des appartements parisiens, au bout du couloir, éloignée de la pièce à vivre. J’aurais préféré qu’on puisse s’y asseoir pour manger mais finalement ça me va bien parce qu’on se réunit tous autour de la table à manger qui jouxte le salon. Cette configuration fait vivre le salon, c’est bien aussi.
La cuisine, je l’ai organisée de façon à ce qu’elle soit pratique. J’ai tous mes instruments à portée de main. Elle correspond à ma façon de cuisiner. Je crois qu’une cuisine on l’apprivoise, il faut prendre ses marques et on s’y adapte.
J’adore la déco et ma couleur préférée en déco c’est le noir. L’idée de départ était de vouloir une cuisine avec des murs noirs. Une fois qu’ils ont été peints, j’ai souhaité peindre le plafond en noir aussi. La première réaction de mon mari et de mes enfants a été de dire « ouh la c’est particulier ». Et finalement c’est un cocon, une petite grotte, ça me va bien.
Quel est l’ustensile ou l’appareil électro-ménager dont vous ne pouvez vous passer ?
Une cocotte en fonte – un wok – une plancha
Qui cuisine et quand ?
C’est moi. Et toujours du fait maison, mais du fait maison assez rapide. Les recettes qu’on mange au quotidien ne demandent pas énormément de temps. Faire une omelette, des œufs durs avec une salade, une viande à griller avec des champignons et une échalote, c’est rapide. Je rappelle souvent à mes patients que le secret d’une alimentation équilibrée, c’est le bon sens. Et ça commence par ne pas manger de plats industriels. Ça coûte cher de ne pas cuisiner maison. Préparer des plats à l’avance le dimanche c’est une bonne solution pour ne pas courir après le temps le soir en semaine ce qui est souvent le cas quand on a des enfants en bas âge et qu’il faut gérer le bain, les devoir et le coucher de bonne heure. Un plat qui mijote le dimanche, c’est un repas du soir et un repas du midi prêts pour la semaine.
Plutôt menus de la semaine ou free style ?
Quand les enfants étaient petits, c’était liste obligatoire. Quand on est une maman qui travaille, c’est indispensable pour gérer l’organisation du quotidien et alléger la charge mentale. J’essayais de faire la liste avec eux pour que ce soit ludique, qu’ils soient contents quand ça arrivait dans l’assiette. Ils avaient l’impression que c’était eux qui avaient choisi. Le seul problème c’est qu’ils n’avaient pas les mêmes envies…
Je faisais les courses le samedi en fonction de ma liste de repas, je cuisinais beaucoup le dimanche pour avoir au moins deux jours d’avance. Je prône le surgelé à partir du fait maison : par exemple faire une grande quantité de soupe, de légumes cuits et en faire congeler une partie pour en avoir dans la semaine.
Maintenant qu’ils ont quitté la maison, c’est freestyle mais toujours fait maison. Je me rends compte, avec mes patients, que les gens manquent d’idée. Et c’est un super idée que vous avez eu de créer ces interviews In Kitchen With avec les listes d’idées de repas.
Les idées repas de Valérie Espinasse
- Blanquette de veau
- Poulet au four / pommes de terre
- Curry de légumes aux lentilles corail / Riz
- Lasagnes ragu
- Hachis parmentier au canard
- Wok de crevettes / légumes /pâtes de riz
- Saumon en croûte de sel / légumes / riz
Notes
Qui vous a donné le goût de la cuisine ?
J’ai grandi à la campagne, en Normandie près de Granville, de parents enseignants d’origines auvergnates. Chez nous, acheter industriel ça n’existait pas. Quand je rentrais de l’école, je voyais ma mère se mettre à cuisiner. Donc pour moi c’est un acte naturel, que je fais sans réfléchir. Ma tante cuisinait, ma grand-mère cuisinait ; chacune avait ses propres recettes, c’était presque la compétition quand on se retrouvait à Noël. Aujourd’hui je transmets les recettes de ma famille à ma fille, mon fils et sa petite amie de mon fils.
J’ai été élevée au rythme des saisons. Ça me fait sourire quand je vois des sachets de radis toute l’année à Monoprix, alors que chez nous le radis c’était quelque chose d’exceptionnel car sa saison est très courte et on n’en n’avait pas beaucoup dans le potager, on en mangeait quinze jours dans l’année, c’était un produit rare ! Aujourd’hui encore, ça ne me vient pas à l’idée d’en manger toute l’année. Mon père fait toujours son potager pour toute la famille, je ramène régulièrement des pommes, des pommes de terre, des kiwis.
Où et quand faites-vous vos courses ?
Toutes les trois semaines je vais en Normandie voir mon père et je rentre avec une valise pleine de bons produits de son potager et de poulets de la ferme d’à côté, de poissons du marché. À Paris, quand je il me manque un produit je vais au marché Poncelet ou à Monoprix mais que ce soit au marché ou en supermarché, il y a peu de produits sans pesticides et qui viennent de France.
Quand les enfants vivaient à la maison je me faisais livrer toutes les semaines par des producteurs de la région via une sorte d’AMAP ; ça a permis aux enfants de découvrir des fruits et légumes qu’ils n’auraient pas consommés autrement puisqu’on ne choisissait pas les produits livrés et moi ça m’a obligée à sortir de ma « zone de confort ». C’est ce que je conseille à mes patients qui n’ont pas d’idées : imposez-vous d’aller vers des fruits et légumes différents de vos habitudes, en fonction de la saison bien sûr.
Je ne suis pas contre des légumes Picard bruts dans le congélateur, ça dépanne toujours et ils ont un « bon » cahier des charges, bien meilleur souvent que ce qu’on trouve chez les primeurs des marchés parisiens. Le secret pour manger sain, c’est d’optimiser son organisation en fonction de son rythme de vie.
Vegan ? Locavore ? bio ? sans gluten ?…
Locavore le plus possible, sans pesticides, et surtout de saison vous l’aurez compris. Sinon j’aime tout, je mange de tout véritablement ; tous les poissons, toutes les viandes, les cuisines asiatiques, orientales, la cuisine française.
Que trouve-t-on toujours dans votre cuisine ?
Des légumes de saison – peu de fruits car je ne suis pas très sucré pour finir un repas – des citrons pour boire de l’eau au citron dans la journée – des oignons – de l’ail – des herbes aromatiques, persil, coriandre – des lentilles de toutes sortes – des pois chiches – du quinoa – des tisanes de thym – du thé vert ( Maison des thés / Kusmi ils se sont mis à faire du bio / L’Infuseur ), de la tisane de thym – des œufs, quand on travaille c’est un apport de protéines faciles et rapide à cuisiner.
Au congélateur : des poulets de Normandie- du poisson ramené de Normandie – du pain pour mon mari
Que faites-vous quand vous n’avez pas envie de cuisiner ?
Vous l’aurez compris c’est vraiment très rare, mais je suis comme tout le monde, ça peut m’arriver. Dans ce cas, je commande du japonais en bas de chez moi.
Avez-vous appris la cuisine à vos enfants ?
Oui je les ai élevés en leur apprenant à faire la cuisine. On se mettait en cuisine ensemble tous les dimanches. Ma fille aime tellement le fait maison qu’elle ne peut pas manger un gâteau de pâtisserie mais malgré tout avec le rythme de son travail, elle commande beaucoup… Comme quoi on a beau œuvrer pour la transmission il y a toujours un moment où on oublie…Mais ils ont les bases ; ils savent que la viande c’est pas que du poulet ou du bœuf. Ils savent faire un curry maison, des côtelettes, et quand ils ne savent pas, ils m’appellent pour que je leur donne des idées et des recettes. Et surtout, j’ai réussi à leur inculquer le goût de la diversité alimentaire. C’était pas gagné. Enfant ma fille n’aimait rien. Elle partait à l’école avec une boîte remplie de saucisson tranché, moyen pour une enfant de nutritionniste …mais elle ne voulait que ça et ne mangeait rien à la cantine. Et progressivement j’ai imposé une variété : sa base c’était le riz. Elle adorait le curry, j’ai introduit les légumes au fur et à mesure dans la base de curry aux lentilles et le subterfuge a fonctionné.
Le curry de légumes de Valérie Espinasse
Pour 6 personnes
Ingrédients
- 3 ou 4 oignons
- Légumes de saison au choix ( au moins trois variétés différentes )
- Lentilles corail
- 1/2 ou 1 c. à s. de pâte de curry rouge
- 1 grande boîte de lait de coco
- 1 c. à c .de poudre de gingembre
- Gingembre frais
- Coriandre fraîche
Instructions
- Éplucher, émincer et faire dorer les oignons dans une cocotte.
- Ajouter les légumes épluchés et coupés en morceaux. Les laisser cuire 10 mn.
- Ajouter la pâte de curry et le lait de coco.
- Laisser mijoter à feu doux pendant 30 minutes
- Ajouter l’équivalent en eau du volume de lait de coco. Verser les lentilles corail et laisser cuire à feu doux. Porter à ébullition puis baisser le feu et laisser cuire 15-20′ ( il faut que les lentilles soient encore fermes ).
- Assaisonner : sel / poivre / poudre de gingembre.
Notes
Servir en ajoutant du gingembre frais râpé et de la coriandre fraîche.
Plutôt petit déj, brunch, déjeuner, apéro ou dîner ?
Je mange toujours salé au petit déjeuner : fromage – avocat ou fromage – œuf dur. Je varie en fonction de mes envies et de mon emploi du temps ; si je sais que je vais enchaîner les consultations toute la journée, j’ajoute une tranche de pain à farine foncée ( seigle, sarrasin ) aux noix et une tranche de jambon blanc.
Le soir quand je suis seule je mange juste des légumes.
Période détox ou pas ?
Détox uniquement quand je sens que j’ai une baisse d’énergie, que j’ai fait plusieurs sorties dîners d’affilée, si j’ai eu un rhume. En général c’est deux fois par an. Dans ce cas, pendant une ou deux semaines je fais deux jours de détox légère : pas d’alcool du tout, bouillon de légumes ou potage léger le soir ; pas de protéines animales, pas de fromage, pas d’œufs pendant ces deux jours. Je prépare un curry de légumes pour le midi. Selon moi la détox ça ne veut pas dire « avoir faim », c’est lever le pied sur certains produits qui pompent notre énergie. Le matin, c’est avocat pour être rassasiée. Pendant la détox je ne mange pas de fruits car ils m’ouvrent l’appétit. Mais en réalité, comme je ne fais pas d’excès au quotidien, que je ne bois pas de sodas et ne mange pas sucré, quand j’allège je ne suis pas dans de la « grande » détox.
Vous recevez beaucoup ?
Mes amis oui très souvent. Mon mari est sicilien, quand on reçoit parfois c’est lui qui prend la main. Si c’est moi qui officie, je ne cuisine jamais la même chose : plat asiatique avec un bouillon, poulet au four avec des pommes de terre, saumon en croûte de sel, rôtis avec des noix et des pruneaux…Je suis pas très forte sur les entrées mais de nos jours comme les apéros sont à rallonge, on se contente d’un plat unique.
Et le week-end c’est l’occasion de réunir mes enfants maintenant qu’ils ont quitté le nid. Sans scrupule, j’utilise la cuisine pour les faire venir en leur disant que je vais préparer leur plat ou leur gâteau préféré. Quand mon fils avait 16 ans, je recevais des amis à dîner et lui, avait prévu une sortie avec ses amis. Des lasagnes étaient en train de cuire au four. Il a passé un moment avec nous à l’apéritif et a filé. Puis j’entends la porte qui s’ouvre de nouveau et mon fils me dit, « des soirées avec des copains je peux en avoir plein, mais tes lasagnes elles sont trop bonnes, finalement je reste dîner avec vous ». Le meilleur des compliments pour une maman qui aime cuisiner non ? Depuis j’abuse de mon « pouvoir » à 200%.
Êtes-vous accro à la vaisselle ou au linge de table ?
Je suis très brocante, j’accumule pas mal. Le linge de maison je l’achète soit en voyage soit en brocante. La vaisselle c’est brocante, surtout les verres et bien sûr Monoprix. J’aime les mélanges de style, sauf les fleurs sur les assiettes, c’est plutôt uni et dépareillé, je mélange les couleurs.
Quelles sont vos adresses gourmandes ?
Je ne sors pas beaucoup. Mais j’ai un faible pour La Belle Époque, 36 rue des Petits Champs Paris 2ème. Une belle brasserie à l’ancienne qui se trouve derrière le Palais Royal. La cuisine n’est pas light mais tout est cuisiné maison et c’est très très très bon.
Mun, restaurant asiatique. 52 avenue des Champs-Elysées Paris 8ème. La déco est magnifique, on y mange très correctement.
Interview et photos : Karine Couëdel
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