Nathalie George, Directrice artistique et auteure.
Interviewer Nathalie George c’est faire une plongée dans des décennies d’histoire culinaire française, le tout sans phrases toutes faites ou marketées. Exit le politiquement correct, place au bon sens.
L’auteure du livre La cuisine du 6è étage ; du Piano au réchaud ! paru aux Éditions Hérodios, nous reçoit dans les deux chambres de bonne qu’elle occupe depuis plusieurs années dans un immeuble cossu du 16ème arrondissement parisien. Nathalie George a grandi auprès d’une grand-mère paternelle issue de la grande bourgeoisie, s’est créé une carrière de directrice artistique – pour l’Orfèvrerie Christofle notamment. Carrière professionnelle qui l’a menée régulièrement en Italie et au Japon et lui a permis de dîner aux plus grandes tables gastronomiques françaises et internationales. Puis c’est la rupture dans ce parcours doré. Nathalie George a quand même gardé l’essentiel : le goût du partage.
Le jour où elle nous a invité chez elle, elle finissait d’ailleurs de cuisiner des plats pour l’association Étoilés & Solidaires qui lutte contre l’isolement des aînés isolés en proposant notamment à des personnalités et des chefs de cuisiner pour eux. Ce que Nathalie George a fait tous les mercredis du mois de mai. Elle est même allée déjeuner chez un aîné en compagnie de son ami le parfumeur Francis Kurkdjian. Nathalie ce sont des bonnes manières, une élégance et un style innés, le tout mâtinés d’une énergie et d’un vocabulaire tout parigots. Allez on monte à pied les 6 étages et on plonge avec délices dans son univers.
Pouvez-vous définir votre cuisine en 3 mots…
La pièce : c’est le couloir du 6è avec la tolérance des copropriétaires . Couloir que je vis, selon l’humeur, soit comme celui du pensionnat de Mortefontaine dans lequel j’ai passé dix ans de mon enfance, soit comme celui de ce qui fut mon grand appartement haussmannien…
Étroit – plutôt joli avec tommette au sol et murs verts qui sont en train de perdre leur patine du temps puisque les parties communes sont repeintes en ce moment.
Dans l’assiette : savoureuse – avec de la personnalité – moins présentable, car si on réfléchit bien c’est ce qui n’est pas très présentable qui est meilleur comme le chou fleur au gratin servi dans l’assiette ; ce n’est pas très beau mais qu’est-ce que c’est bon.
Compte tenu de cet espace très réduit, comment avez-vous pensé l’aménagement de la cuisine ?
Je suis logée par une de mes anciennes amies de pensionnat. Avec l’accord des copropriétaires je cuisine habituellement dans le couloir. Un espace restreint mais que j’ai investi : si je veux faire refroidir vite, je pose le récipient sur la tommette qui est tout le temps fraîche, si je veux que le bouillon reste chaud, je les pose sur le paillasson. J’ai aussi aménagé un garde-manger sous ma table de dessin dans une des deux chambres et fait réaliser des étagères sur mesure pour gagner de l’espace.
Quel est l’ustensile ou l’appareil électro-ménager qui vous est indispensable ?
Un économe. De bons couteux. Pour le reste j’ai considérablement réduit ma batterie ce cuisine pour ne conserver que l’essentiel. La liste exhaustive est dans mon livre 🙂
Que manque-t-il dans votre cuisine ?
Un quatre feux au moins pour faire un bouillon, cuire des légumes, une viande. Un second four parce que c’est très utile pour faire une tarte et en même temps un poulet rôti ou une flamiche et en même temps des œufs cocotte. Je ne peux plus faire un bœuf bourguignon ou des escalopes milanaises par exemple. La cuisine a un seul feu à ses exigences. Mais comme tout, il y a toujours un bienfait des malheurs qui vous arrive même si vivre au 6è n’est pas un malheur. Les contraintes obligent à se dépasser, à s’adapter pour être créatif.
Qui vous a donné le goût de la cuisine ?
Gilberte, dite Gigi, ma grand-mère paternelle. Elle a formé mon palais sans que je m’en rende compte puisque j’ai vécu chez elle de l’âge de un an à mes huit ans. La prise de conscience s’est faite quand je suis arrivée au pensionnat : comment est-ce possible de cuisiner des plats aussi « dégueulasses » ?
C’est d’ailleurs parce que je voulais rendre hommage à Gigi qu’est née l’idée ce livre ; il y a huit ans exactement. Je savais déjà le format de l’Acte 1, celui qui évoque les souvenirs que j’ai d’elle, de sa façon de recevoir, ses recettes. Recettes bien plus « légères » dans leur rédaction que ce qui se fait aujourd’hui : pour les œufs à la coque elle écrit « quand l’eau a fait deux bouillons c’est cuit »… autant dire qu’elle s’emmerdait moins que nous, pardon de l’expression.
Puis les évènements personnels ont interrompu la rédaction. Finalement ça m’a permis de mijoter comme les bons plats, et de donner naissance à l’Acte III consacré aux recettes du 6è étage. Des recettes économiques qui se sont imposées par mes moyens du bord et qui depuis l’arrivée du Covid, sont malheureusement plus que d’actualité pour bien des familles qui voient leur pouvoir d’achat fortement diminué. La cuisine du 6è est une preuve qu’on peut très bien manger avec des moyens réduits. La salade de lentilles que j’ai préparée ce matin c’est rien à condition de ne pas oublier de mettre le gras des lardons pour le goût et d’utiliser une bonne huile d’olive. On trouve de la très bonne matière première à des coûts encore corrects. Il est bénéfique de retourner à des choses plus simples.
L’Acte II, dédié à une partie des recettes d’Italie, s’est quant à lui imposé comme une évidence.
Quel est le plat de votre enfance ?
La salade cuite avec de la noix de muscade et énormément de beurre. Gigi savait que j’étais au paradis quand elle me cuisinait ce plat.
J’ai aussi de très bons souvenirs de gâteaux avec de la crème au beurre.
Dans votre ancienne vie, vous cuisiniez beaucoup ?
Oui. J’ai commencé à l’âge de dix-sept ans quand je suis revenue vivre en face de chez Gigi, puis après parce que je recevais beaucoup et dans ces cas-là même si je me faisais aider pour ranger et servir, c’est moi qui étais aux fourneaux.
Quel était le menu type de vos dîners ?
Apéritif copieux, plat mijoté, fromage et un dessert léger. Ça vient de la cuisine de Gigi qui était roborative.
Gigi vous a-t-elle transmis les règles pour savoir recevoir ?
Oui par l’observation, parce qu’elle recevait énormément et dressait des tables magnifiques. Elle brodait beaucoup et avait une collection de nappes étourdissantes, des assiettes en faïence en forme coupe avec le monogramme à gauche ( 1930 ), de l’argenterie, des milieux de table en miroir et des fleurs ce qui se fait moins maintenant mais était sublime. Enfant tout ça m’émerveillait, c’est rentré dans ma tête. J’ai gardé beaucoup de choses lui appartenant. Si j’ai une « résurrection », un logement plus normal on va dire qui me permettrait de dresser une table, je ressortirais tout ça.
Ici, où je reçois tout de même quelques amis ( à 6 autour de la table on est bien ), il faut que ça soit pragmatique tout en restant civilisé. Donc j’utilise une nappe, une assiette de présentation dans laquelle je mets une assiette en carton parce qu’il n’est pas question de laver la vaisselle dans l’évier des parties communes.
Vegan ? Locavore ? bio ? sans gluten ?…
Je mange de tout normalement. Qu’est-ce que c’est que ce bazar ?! Le corps a besoin de tout raisonnablement. Bien sûr certaines personnes peuvent être intolérantes au gluten par exemple mais soyons sérieux, ce n’est pas la majorité.
Que trouve-t-on toujours dans votre cuisine ?
Des œufs, ça ne coûte rien, ils se gardent au moins deux semaines et on peut les cuisiner de différentes façons.
Des fines herbes : persil, ciboulette, estragon qui se gardent très bien. Oseille, cerfeuil, estragon. Il n’y a pas que la coriandre, même si c’est très à la mode en ce moment.
Différentes sortes de pommes de terre. Des oignons, des échalotes, de l’ail, une bonne huile d’olive, un vinaigre de vin dans lequel on glisse deux branches d’estragon, des pâtes un peu grosses dans lesquelles la sauce rentre, du vermicelle, du riz thaï ou basmati, du riz noir. Des endives, des courgettes, du chou fleur, qui sont des légumes pas chers et que l’on peut conserver dans son réfrigérateur. Différentes variétés de saucisses, des sardines.
Du fromage, du saucisson, du pain complet ou d’épeautre, un bon pinard ( à consommer avec modération bien entendu )… La base des célibataires 🙂
Les idées de repas de Nathalie George
- Omelette aux fines herbes / au jambon. Compter trois œufs par personne.
- Œufs cocotte
- Salade de pommes de terre
- Purée maison
- Gratin de chou fleur avec de la béchamel sans lait et du très bon gruyère râpé
- Endives cuites
- Pœlée de courgettes aux champignons
- Salade de lentilles
Notes
Plutôt petit déj, brunch, déjeuner, apéro ou dîner ?
Le dîner ou le souper entre amis. Le déjeuner pour un rendez-vous de travail.
Quelles sont vos adresses gourmandes ?
Naturenville, des magasins relais de producteurs bio. Ils ne vendent que des légumes de saison à des prix imbattables. La preuve qu’on peut acheter des fruits et légumes bio sans se ruiner. Il en existe plusieurs dans Paris.
Maison Pou, 16 avenue des Ternes, Paris 17ème. Pour la charcuterie. Et le saindoux, le lard demi-sel. De la matière première de qualité qui n’est pas en rayon mais qu’on va vous chercher dans l’arrière-boutique.
Les boucheries nivernaises, 99 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 8ème. Pour les produits de qualité.
Maison Verot, pour la charcuterie aussi et surtout le pâté en croûte.
La table de Yannick Alleno ou Joël Robuchon. C’est soit un repas à 18 euros au zinc d’une brasserie soit un gastro. Je déteste les restaurants moyens, dans ce cas-là je préfère encore manger chez moi.
Interview et photos : Karine Couëdel
DALLAIRE Dominique says
Bonjour, je suis heureux de suivre vos conseils étant moi aussi logé à la petite semaine. Il y a beaucoup de gens qui feraient bien de suivre vos conseils et style de vie, j’adore la culture parisienne que l’on rencontre à chaque coin de rue ; mon père fut un humaniste et mes études m’ont appris à vouloir tout faire au mieux. Ma mère dans ma jeunesse a appris la cuisine provençale sans savoir que c’était la meilleure, comme on dit, le « régime crétois ».. J’aimerais déjeuner avec vous et vous présenter mon travail actuel, unique au Monde en ce qui concerne l’Histoire des petites histoire de la photographie… Mais je suppose que Paris a besoin de vous tous les jours. Avec humilité, je vous salue… Domi